Le Fusain d' Europe et ses hôtes, observations d'un jour.

La découverte sur la route entre mon travail et mon domicile d'un champ à l'abandon bordé d'arbustes m'a donné envie de suivre la vie d'un de ces végétaux, assez rare dans mon secteur, le fusain d'Europe. Mais au lieu de me contenter de décrire la plante, j'ai décidé de vous en faire découvrir également les hôtes que je pourrais trouver au fil des semaines. Voici donc le premier volet de ces observations, réalisées durant le mois d'avril.

Feuilles dentelées du fusain d'Europe
Feuilles dentelées
du fusain d'Europe
Fleur du fusain d'Europe
Fleur du fusain
d'Europe

Le fusain d'Europe , Euonymus europaeus, est un arbuste pouvant atteindre 5 à 8 mètres de haut assez commun en France. Dans le Sud, on le trouve dans les endroits frais et humides. Les critères de reconnaissance sont assez simples : les tiges sont quadrangulaires, les feuilles sont disposées de façon opposée et enfin la forme de ces dernières est ovale bordée de nombreuses petites dents (feuilles denticulées).

Observations de mi-avril

Les végétariens

C'est donc mi-avril que démarre l'observation de la vie du fusain et de ses hôtes. À cette époque, les feuilles sont déjà sorties et il est en fleur. Ces fleurs sont verdâtres à blanchâtres, elles ont 4 pétales étroits étalés et 4 courtes étamines qui entourent le pistil. Est-ce la présence à proximité d'aubépines couvertes de fleurs ou simplement la discrétion de la floraison, le fusain ne semble pas attirer les abeilles. Les pollinisateurs sont peu nombreux et ce sont essentiellement des diptères (mouches) et quelques hyménoptères qui le visitent.

Dorycère des Graminées
Dorycère des Graminées

Parmi ceux que j'ai réussi à photographier se trouve une jolie petite mouche, le Dorycère des Graminées, très répandu dans le champ à côté. Ce diptère, bien que très commun à un cycle de vie mal connu. Sa larve semble se développer dans les végétaux, mais il est difficile de savoir lesquels. Les écrits anciens décrivent des femelles pondant dans le tamier commun, mais cette espèce étant peu répandue dans le Sud, il faut bien que le développement se fasse ailleurs. Sa fréquence dans les champs de graminées pourrait être un indice. En tout cas , adulte, notre Dorycère apprécie le nectar de la fleur de fusain.

Syrphe
Syrphe

Autre butineur aperçu, un syrphe dont j'ignore l'espèce, la photo n'étant pas assez précise, on reparlera des syrphes un peu plus loin.

Le Grand hyponomeute
Le Grand hyponomeute
Chenilles d'hyponomeute
Chenilles d'hyponomeute

Les hôtes les plus visibles sur le fusain sont des chenilles vivant ensemble à l’abri d'une toile tissée sur les tiges et englobant leur nourriture, les feuilles. Après avoir découvert qu'il s'agissait d'Hyponomeutes, il m'a fallu rechercher sur internet l'espèce en question. Un petit tour sur le forum Insecte.org m'a permis d'apprendre qu'il existait 3 espèces sur le Fusain. Malheureusement, la clé de détermination faisant appel aux papillons, je n'étais pas plus renseigné. Reprenant chaque espèce à la recherche de photos des chenilles j'ai fini par trouver l'ensemble sur le site allemand www.lepiforum.de. En espérant ne pas froisser les auteurs des photos, je me suis permis de réaliser un montage vous montrant les 3 chenilles. Finalement, la distinction peut se faire aisément en comparant les 2 extrémités des animaux, tantôt avec la tête noire ou claire, de même pour le côté postérieur. Plus de doute, le fusain est donc la proie de Yponomeuta cagnagella, de son petit nom le Grand hyponomeute du fusain ce qui m'arrange, car c'est celui dont la vie est la plus intéressante !

La Punaise écuyère
La Punaise écuyère

Voici donc ce qui a précédé l'arrivée de ces chenilles sur les feuilles. À la fin de l'été, la femelle du Grand Hyponomeute vient sur le Fusain pour y déposer ses œufs. Non sur les feuilles condamnées à la chute, mais sur les tiges. L'hiver pouvant être vigoureux, le papillon à tout prévu ; les œufs sont déposés côte à côte en se couvrant comme les tuiles d'un toit et dans une attention ultime, la femelle recouvre l'ensemble d'une substance gélatineuse qui durcit pour former une plaque protectrice appelée ooplaque. Cette épaisse couverture a donc permis à la descendance de passer l'hiver sans encombre et les chenilles sont très nombreuses sur l'arbuste .chacune avec un groupe d'individus à l'intérieur d'une toile. Nous attendrons les semaines à venir pour voir leur évolution.

Pucerons noirs
Pucerons noirs

Passons aux insectes buveurs de sève, les punaises et les pucerons. Sur le fusain se trouvait la Punaise écuyère (lygaeus equestris) , une des punaises qui affectionnent les fleurs de tournesol chez lesquelles elle fait des dégâts. En attendant la floraison des Helianthus, une petite tige de fusain semble faire l'affaire.

Si vos plants de fèves sont infestés de pucerons noirs, vous serez ravi d'apprendre que ces petites bestioles passent leur jeunesse sur la Viorne opale, le Seringat et .. le Fusain ! C'est donc logiquement, en ce mois d'avril, que nous trouvons les premières générations sans ailes de ces piqueurs de sève. Pondus à l'automne, les œufs donnent naissance aux premiers pucerons que nous retrouvons cachés dans un repli de feuille.

Les carnivores

Épeire concombre
Épeire concombre
Empis
Empis
Larve de syrphe
Larve de syrphe

Mais n'existe-t-il pas de carnivores dans cet arbuste qui doit subir la dent des chenilles et les piqûres des pucerons et punaises ? Nos fèves sont-elles condamnées à recevoir la visite des pucerons ? Dans la jungle des rameaux, j'ai pu apercevoir 2 araignées. Une araignée sauteuse qui a échappé à mon objectif et, plus sédentaire, l'Épeire concombre dont la couleur et le relief de l'abdomen sont à l'origine de son nom. Il y a donc là de quoi limiter au moins les punaises. Quant aux pucerons, dans leur caverne feuillée j'ai pu trouver un ogre vert capable de tous les engloutir : la larve de tipule ! (je vous avais dit qu'on reparlerait de ces insectes). À ces trois carnivores viennent s'ajouter des Empis, diptères dont la trompe rigide peut empaler n'importe quel insecte.

Finalement, seules les chenilles semblent à l’abri des prédateurs, on attendra quelques semaines pour s'en assurer.

E. PENSA