Le Coquelicot - Papaver rhoeas

Doit-on encore le présenter ? C'est, sans aucun doute, la fleur la plus populaire, la plus visible et une des plus répandues aussi bien à la campagne que dans nos villes. Le Coquelicot méritait bien que l'on s'y attarde pour la découvrir de plus près.

Le rouge et ses cousins

Si l'on se réfère à la flore Flora Gallica, il existe 8 espèces de coquelicots en France qui se distinguent tout d'abord par la couleur de leur fleur, par la forme de leur pistil, les miteux dans lesquels ils vivent et enfin d'autres détails comme la forme des feuilles et des fruits.

La palette des couleurs de coquelicot est composée essentiellement de rouge plus ou moins orangé, de rose et de jaune.

Les coquelicots rouge ou rose

Du plus foncé au plus clair jusqu'au rose, on trouve Papaver hybridum, Papaver rhoeas, Papaver argemone, Papaver dubium, Papaver pinnatifidum et Papaver somniferum. La présence ou non de taches noires est variable, donc sans importance.

Voici une petite clé, pour différencier les cinq espèces rouges, valable uniquement pour les fleurs normalement constituées (les plus fréquentes), car il existe toujours des spécimens originaux.

  • Pétales étalés en croix, se touchant peu, à part à la base
    • Étamines filiformes
      • anthères jaunes : Pavot penné (Papaver pinnatifidum)
      • anthères violacées, mais pollen jaune : Coquelicot douteux (Papaver dubium)
    • Étamines épaissies vers le haut à anthères violacées :
      • fleurs rouge foncé et fruit ovoïde dont la longueur ne dépasse pas le double de la largeur : Coquelicot hybride (Papaver hybridum)
      • fleurs rouge clair et fruit en forme de massue dont la longueur fait plus du double de la largeur : Pavot argémone (Papaver argemone)
  • Pétales imbriqués, larges :
    • Pédoncule floral à poils très écartés et fruit ovoïde dont la longueur ne dépasse pas le double de la largeur : Grand Coquelicot ou Coquelicot (Papaver rhoeas)
    • Pédoncule floral à poils appliqués et fruit très allongé dont la longueur fait plus du triple de la largeur : Coquelicot douteux (Papaver dubium)
Les six espèces de coquelicots dans la gamme du rouge au rose.
Les six espèces de coquelicots dans la gamme du rouge au rose.
Les coquelicots jaunes

Chez les coquelicots de couleur jaune, le tri est plus facile avec d'un côté Papaver alpinum au sommet du pistil plat et de l'autre Papaver cambricum au pistil allongé. Les deux poussent en altitude, de 400 à 2000 m pour P. cambricum et de 1600 à 2600 pour P. alpinum. Dernière différence de taille, l'un pousse dans les rocailles ensoleillées (P. alpinum) et l'autre à l'ombre des forêts.

Les deux coquelicots jaunes
Les deux coquelicots jaunes
Même famille, mais faux coquelicot : le Pavot de Californie (Eschscholzia californica)

Terminons ce tour de famille par un représentant étranger qui est utilisé comme plante ornementale, mais qui a tendance à sortir de ses platebandes. Le Pavot de Californie possède les quatre pétales, les étamines nombreuses et le port herbacé de ses cousins, mais tout le reste est bien différent, en forme comme en structure, et la présence d'un anneau membraneux à la base de la fleur et du fruit suffit à le distinguer en plus de sa couleur. Toutes ses différences lui valent d'être placé dans un autre genre (Eschscholzia).

Le Pavot de Californie (<em>Eschscholzia californica</em>)
Le Pavot de Californie (Eschscholzia californica)

Le Coquelicot ou Grand Coquelicot (Papaver rhoeas)

Porte-drapeau "par un malentendu"

Choisi comme symbole d'un manifeste visant à interdire l'utilisation des pesticides, le Grand Coquelicot figure comme un très mauvais casting. Il fait partie en effet des espèces qui ont réussi à acquérir une résistance contre les produits chimiques et, dans les champs où les autres plantes ont été éliminées, il y règne en maitre. Ainsi les jolis champs rouges de coquelicots sont le résultat de l'utilisation d'herbicides et non d'une agriculture respectueuse de l'environnement. Le coquelicot adore également les terrains fraichement remués, ce qui explique qu'il soit si abondant sur les talus de terre.

Au cœur de la fleur

Nous allons, à présent, nous rapprocher de la fleur. Et, maintenant que vous savez qu'elle ne fait pas partie des espèces menacées d'extinction (on parle du Grand Coquelicot), vous pouvez la cueillir sans crainte.

Vous remarquerez immédiatement ce qui vous a permis de le reconnaitre, les quatre grands pétales plus ou moins froissés. C'est par eux que démarrera la visite. Si nous les voyons rouges ou rouge orangé, rappelez-vous que les insectes n'ont pas notre vision et sont sensibles aux ultra-violets. Les lignes foncées qui ornent la corolle sont vues de façon nettement plus détachée du fond. Pour l'insecte, les pétales sont avant tout striés.

Les parties externes

Avant de trop manipuler votre fleur, observez-la par-dessous. Ne manque-t-il pas quelque chose ?

Chez la plupart des espèces étudiées dans les pages de ce site, la fleur était constituée de deux séries de pièces florales externes : les sépales souvent verts, puis les pétales colorés. Chez la fleur de Coquelicot, les sépales sont absents, du moins à ce stade, car ils ont bien existé et servi de protection avant l'épanouissement. Chez cette espèce, les sépales tombent dès l'ouverture de la fleur, ils ne sont donc visibles que sur les futures fleurs.

Une fleur encore fermée protégée par les deux sépales
Une fleur encore fermée protégée par les deux sépales
Cœur de coquelicot

Poursuivons la découverte en nous rapprochant du centre de la fleur (Illustration 1). C'est d'abord un bouquet de très nombreuses étamines qui se présente à nous et une observation fine vous fera constater qu'il en existe de plusieurs tailles. Ces étamines s'attachent en spirales autour de la base de la fleur (Illustration 2).

En détachant les étamines situées à l'avant de notre vue, le pistil devient visible dans son ensemble. Là encore, comparé à la plupart des fleurs, il manque une partie effilée qui porte ordinairement à son extrémité un plateau ou plusieurs branches (le ou les stigmates). Pas de style pour le coquelicot, du moins pour cette espèce. L'ovaire est coiffé par l'ensemble des stigmates.

La visite est terminée ! Elle est rapide, chez cette fleur assez simple, passons maintenant au fruit qui, lui, est plus original.

La salière du Coquelicot

Chez les plantes, le pistil fécondé se transforme par la suite en fruit. La forme et la structure de celui-ci sont souvent des caractères typiques d'une famille sans forcément en être exclusif. Dans la famille des Papavéracées, ce sera capsule ou silique c'est-à-dire un fruit compact ou en forme de haricot.

Notre coquelicot a opté pour la capsule, mais pas n'importe quel modèle ! Il a choisi avec toit ouvrant à la manière d'un hublot. À maturité, les lobes du sommet du fruit (ancienne zone portant les stigmates) se soulèvent et ils dévoilent alors juste en dessous des petites fentes. On peut apercevoir par celles-ci avec une bonne loupe de nombreuses petites graines prêtes à s'en échapper. Comme une salière dont les trous se situeraient sur les côtés, le coquelicot profite du vent pour disperser ses semences.

La petite salière du Coquelicot
La petite salière du Coquelicot

Du restaurant au dortoir

La fleur de coquelicot est spacieuse, elle est visitée par des insectes variés, notamment divers coléoptères qui viennent y faire le plein de pollen et de nectar.

Lorsque la journée s'achève, si une tribu d'abeilles sauvages est installée dans le coin, il n'est pas rare que la fleur serve d'abri pour la nuit, notamment chez les Eucères à longues antennes

Deux coléoptères dans une fleur de Coquelicot
Deux coléoptères dans une fleur de Coquelicot
Un Coquelicot transformé en dortoir pour Eucères à longues antennes
Un Coquelicot transformé en dortoir pour Eucères à longues antennes
Toxicité ?

Terminons par le côté obscur de notre coquelicot, sa toxicité.

La fleur de Coquelicot contient un alcaloïde, la rhoeadine de structure proche de la morphine, il faut donc surveiller que les jeunes enfants n'en fassent pas leur festin. L'ingestion se traduit par des symptômes variés (engourdissement, agitation, pâleur ou congestion du visage, troubles digestifs : vomissements, douleurs abdominales) En cas de doute, appelez-le centre antipoison.

Comme toutes les plantes contenant des substances actives, le coquelicot est utilisé en médecine, mais certaines parties de la plante soigneusement sélectionnées peuvent également être consommées. Bref, n'ayez pas peur du coquelicot, vous pouvez en faire un excellent support pour la découverte de la botanique après avoir informé votre public qu'il ne faut pas la dévorer, mais l'observer.

E. PENSA