La vie d'un Crache-sang
Il arrive, au cours de balade lors de belles journées d'hiver, de croiser sur son chemin un petit insecte entièrement noir dont les formes sont rondes. Si vous vous approchez de lui, la première surprise est qu'il n'est pas craintif. Malgré votre présence il poursuit calmement son chemin avec un flegme exemplaire.
Le reconnaître
Le premier mot qui vient pour le décrire est "scarabée" ; pourtant, lorsqu'on observe ses antennes, épaisses et linéaires, on s'aperçoit qu'il n'appartient pas à ce groupe (voir l'article sur les scarabées ici).
Mais alors à quelle famille appartient notre coléoptère ?
Plusieurs détails importants vont nous aider :
- les formes arrondies du corps,
- les yeux bien développés,
- les antennes insérées en avant des yeux ne dépassant pas la moitié de la longueur du corps
Ces trois caractères permettent de déterminer rapidement les Chrysomélidés, une importante famille de coléoptères, dont de nombreuses espèces sont considérées comme nuisibles aux cultures. Le doryphore (mangeur de plants de pommes de terre) fait partie de cette famille. Enlevez-lui ses bandes et ses taches et imaginez-le en noir, la ressemblance avec notre insecte est assez nette.
Mais continuons avec notre rencontre mystérieuse et dérangeons-le un petit peu en le prenant dans notre main. S'il vous juge assez dangereux pour lui, vous verrez sortir de sa bouche une goutte de sang rouge orangé. S'il ne se passe rien, ne vous acharnez pas, j'ai souvent rencontré des spécimens que rien ne perturbait. Croyez-moi sur parole : si votre insecte mesure 1 à 1,9 cm, porte trois articles élargis à l'extrémité des pattes, avec ou sans goute de sang, c'est le Crache-sang ou Timarque.
Le Crache-sang n'a pas les couleurs vives de nombreux chrysomélidés, mais le fait qu'il soit le plus grand représentant de celle-ci suffit à le remarquer facilement.
Le crache-sang et le gaillet
Mais que peut bien manger notre crache-sang ? Le crache-sang aime croquer les plantes de la famille du Gaillet (Rubiacées). Gratteron, Gaillet jaune ou Garance voyageuse, Rubia peregrina feront office de repas même s'ils contiennent, la coumarine, une substance toxique pour nous.
Entre les amours, la ponte et la larve dodue, une histoire plus ou moins longue.
Chez les Crache-sangs, il y a une chose qui ne change pas : les œufs ont besoin d'une période de froid (un hiver) pour pouvoir se développer. Mais comme il y a deux saisons des amours, entre la ponte et les naissances, le temps est très variable.
- Si madame Crache-sang s'accouple au printemps, alors le cycle est le suivant :
- mars : première saison des amours ;
- avril : la femelle pond ses œufs, mais ils ont besoin de passer un hiver pour finir de se développer ;
- mai-juin-juillet-août-septembre-octobre ;
- novembre-décembre-janvier-février (enfin ! l'hiver est passé) ;
- mars : c'est la naissance des larves.
Dans ce cas, le temps que mettent ses œufs pour donner naissance aux larves est presque d'une année.
- Mais si madame Crache-sang s'accouple à la fin l'été, alors le cycle est beaucoup plus court :
- Août-septembre : seconde saison des amours ;
- septembre-octobre : la femelle pond ;
- novembre - décembre - janvier - février ;
- mars : les larves naissent seulement 4-5 mois après la ponte.
Une ventouse au derrière !
Une des particularités de la larve outre son aspect dodu et sa couleur bronze, est d'avoir au bout de l'abdomen une partie rouge orangé, le pygopode. Cette sorte de ventouse, comme ses 6 pattes, lui sert à se déplacer et s'accrocher sur les tiges.
Le "sang" pour se défendre
L'autre originalité qui a valu le nom à cette espèce, son moyen de défense qui consiste à faire suinter de la bouche et même des articulations des gouttes d'hémolymphe rouge orangé. Ce sang en raison de son mauvais goût est un excellent moyen de défense qui compense l'impossibilité de voler.
Les Crache-sangs dans le monde et en France.
Il existe de nombreuses espèces de Crache-sangs réparties en Europe et tout autour de la méditerranée où l'on trouve le plus d'espèces. En France c'est dans les Pyrénées qu'ils sont le plus richement représentés avec plus des 3/4 des espèces de France, dont la moitié présente uniquement sur ce territoire (8 espèces pyrénéennes sur les 16). Sur l'ensemble de la France, 2 espèces dominent : le grand crache-sang (Timarcha tenebricosa) et le crache-sang de Göttingen (Timarcha goettingensis). Dans le Sud vont s'ajouter le Crache-sang de Nice (Timarcha nicaeensis) et deux autres espèces (T.intertitialis et affinis)
Autant le dire de suite, il est impossible de distinguer l'ensemble des espèces de Crache-sang sans un examen des parties internes. Néanmoins, si on se contente des trois espèces les plus communes du sud de la France, on arrive à ceci :
- Le grand Crache-sang (T. tenebricosa) est le plus grand avec une taille pouvant aller jusqu'à 18mm (11 à 19 mm) et il est noir mat, avec une carapace lisse.
- Le Crache-sang de Göttingen (Timarcha goettingensis) est plus petit (maximum 8 à 13mm) et il est brillant avec des reflets métalliques bleus et des élytres fortement ponctués
- Le Crache-sang de Nice (Timarcha nicaeensis) ressemble au précédent avec des reflets métalliques bleus et une ponctuation plus fine... donc pas évident.