le Pissenlit, une fleur qui n'en est pas une

Il est, sans doute, un des végétaux les plus connus, le Pissenlit est un sujet de choix pour découvrir sa famille et l'observer de près.

La fleur de Pissenlit
La fleur de Pissenlit
Le reconnaître en quatre étapes
Le Pissenlit et ses bractées
Le Pissenlit et ses bractées

Beaucoup de personnes donnent le nom de pissenlit à, à peu près, toutes les plantes dont les fleurs lui ressemblent. Il est pourtant assez facile de le distinguer des autres. Ses feuilles sont allongées, étroites, plus ou moins profondément découpées en dents de scie (dent de lion est son autre nom) et forment une rosette, c'est le premier caractère à vérifier. Chez le Pissenlit il n'y a pas de tige feuillée. Le deuxième se sent au toucher, la plante ne porte pratiquement aucun poil, elle est glabre. Le troisième caractère déterminant se trouve en haut de la tige (pédoncule) portant les fleurs. Celle-ci possède à son sommet juste sous les fleurs des bractées (petites feuilles simples) disposées grossièrement de deux façons. Celles se trouvant à l'intérieur sont longues, plaquées et leur pointe n'est courbée que par les fleurs. Les bractées externes sont, elles, beaucoup plus courtes et rapidement courbées vers l'extérieur.
Enfin, le dernier caractère se vérifie en pinçant légèrement le pédoncule. Celui-ci est creux et pourrait servir de paille. Si vous le coupez, vous verrez du latex blanc couler de ses parois.

Les grands intrus
La Ptérothèque de Nîmes
La Ptérothèque de Nîmes

Impossible d'énumérer la liste des plantes pouvant être confondues avec cette espèce. On peut, néanmoins, en citer 3 assez communes.

L'Épervière
L'Épervière
La Ptérothèque de Nîmes : marée jaune printanière.

C'est la plus visible à partir du mois de février dans le sud de la France où elle va rapidement envahir les platebandes et pelouses. La Ptérothèque de Nîmes à des fleurs proches de celles du pissenlit. Il existe toutefois un caractère permettant de la distinguer, les bractées situées au sommet du pédoncule portant les fleurs sont garnies de poils glanduleux noirs disposés en une ligne. Cette tige n'est d'ailleurs pas creuse non plus.

L'épervière : la poilue.

Tout est dans le titre, l'épervière a des feuilles ni découpées en dents de scie ni glabres. Elles sont en forme de spatule et portent de longs poils. Impossible donc de la confondre avec le pissenlit.

Une proche méditerranéenne : la Hyoséride rayonnante .
La Hyoséride rayonnante
La Hyoséride rayonnante

Elle a les feuilles du pissenlit, elle est glabre comme lui et la tige est peut-être même creuse (à vérifier). On distingue la Hyoséride rayonnante à deux petits détails. Le pédoncule est renflé vers son sommet et les bractées extérieures ne sont pas étalées, mais au contraire plaquées.

Les Pissenlits et la classification

S'il est facile de reconnaître un Pissenlit, lui donner un nom latin est un vrai casse-tête. Les Pissenlits appartiennent au genre Taraxacum, que l'on retrouve sur l'ensemble des continents à l'état naturel ou introduit. L'étude de ce genre montre une grande diversité aussi bien morphologique que génétique et, pour corser le tout, il apparaît, dans certains cas, que des plantes aux morphologies différentes peuvent avoir le même génome. Bref, pour faire simple, à moins que vous ne soyez un botaniste chevronné, on gardera pour le Pissenlit le nom du genre Taraxacum sans aller plus loin.

De la fleur au capitule

Le Pissenlit appartient à la grande famille des Astéracées dont la grande particularité est d'avoir des fleurs réunies en capitule.

Qu'est-ce qu’un capitule ?
Capitule en coupe
Photo 1 : Capitule en coupe longitudinale

Comment faire, lorsque l'on produit de minuscules fleurs pour qu'elles soient aussi visibles des insectes que les grandes ? Le Pissenlit nous donne la solution trouvée par sa famille : serrer les fleurs les unes contre les autres. Cette inflorescence dense se nomme le capitule. Le pissenlit a donc des capitules de fleurs que l'on nomme souvent, à tort, "fleur". La confusion entre les deux vient de l'allure générale de l'inflorescence qui ressemble beaucoup à une grande fleur.

Au cœur du capitule

Je vous propose, pour y voir plus clair, d'observer de plus près le capitule de Pissenlit. Si on le coupe en deux dans le sens de longueur du pédoncule, voici ce que l'on observe.
Sur la photo 1, on trouve vers le bas, le pédoncule creux () qui se termine par une partie élargie, le réceptacle (réc), légèrement en creux qui porte de très nombreux petits éléments de forme ovales qui semblent, eux-mêmes, porter des poils et les pétales orange.

Schéma du capitule et de la fleur(dessin 2)
Dessin 2 - Schéma du capitule et de la fleur

Si on isole, maintenant, un de ces éléments, en prenant bien soin de ne pas endommager la partie haute, on arrive à comprendre sa composition.
Le dessin 2 représente le schéma de la même coupe de capitule. On y retrouve le pédoncule creux (pé) élargi en un réceptacle (réc), mais avec un des éléments, isolé au centre. Voyons de quoi il est composé.
À la base se trouve la partie ovoïde qui est l'ovaire (ov) c'est-à-dire la base du pistil (Pi). Il est surmonté d'une couronne de poils (ca), qui entoure un tube prolongé en un long pétale (p) à 5 dents (d ). Du tube de la corolle débouche un groupe de 5 étamines (ét) aux filets libres (fil) qui unissent leurs anthères (ant) en un cylindre (sy) entourant la partie haute du pistil, le style (sty). Enfin, le style se sépare en 2 stigmates (st).
Ce que nous venons de décrire est tout simplement une fleur avec ses éléments caractéristiques que nous avons déjà vu chez d'autres espèces. Elle a deux particularités : le calice (ca) n'est pas formé de sépales typiques, mais de soies, l'ovaire est situé sous le calice et la corolle, on dit qu'il est infère . La fleur du pissenlit n'a pas une symétrie radiale, contrairement au capitule, et les 5 dents du pétale sont le résultat de la soudure de cinq pétales à la sortie du tube de la corolle.

Fleur vs capitule, comparaison entre la fleur de Ficaire et le capitule de Pissenlit.

La fleur de Ficaire appartient à la famille des Renonculacées comme le Bouton d'or. Elle a une taille proche du capitule du Pissenlit, ce qui permet de comparer facilement les deux.
Pour un espace occupé à peu près équivalent,

  • La fleur de Ficaire est composée de 9 grands pétales, d'une trentaine d'étamines et d'une centaine de petits pistils (carpelles) serrés les uns contre les autres, situés au centre.
  • Le capitule de Pissenlit, lui, est composé d'une bonne centaine de fleurs. Chacune a un pistil, 5 étamines et un pétale à 5 dents.
La fleur de Ficaire et le capitule de Pissenlit
La fleur de Ficaire et le capitule de Pissenlit

Si tout se passe bien, les deux espèces peuvent donner une centaine de fruits et autant de graines. Pour atteindre ce résultat, la fleur de ficaire produit dans chaque étamine une quantité très importante de pollen, beaucoup plus que le pissenlit. Les insectes pollinisateurs qui visitent la Ficaire vont piétiner les pistils, non protégés, au centre. D'autres insectes peuvent venir se nourrir des carpelles et réduire considérablement le nombre de graines produites par la fleur. Enfin, si, pour une raison ou pour une autre, une fleur se développe mal, aucune graine ne sera produite.
Du côté du pissenlit, les pistils ont leurs ovaires cachés sous la fleur, ce qui les met à l'abri du piétinement des insectes et des mandibules des herbivores.
Si une des fleurs ne se développe pas, seule une graine sera perdue.

En conclusion pour même espace occupé, le capitule de pissenlit assure un rendement en graines largement supérieur à la fleur de Ficaire et permet de mieux protéger les futures graines contre d'éventuels herbivores.

La famille des Astéracées est beaucoup plus évoluée que celle des Renonculacées grâce à cette inflorescence typique.

Capitule d'akènes
Capitule d'akènes
Du capitule de fleurs au capitule d'akènes

Le Pissenlit est, au moins, aussi connu pour sa fleur, que pour ses sphères blanches qui laissent s'échapper des dizaines de petits "parachutes" lorsque l'on souffle dessus. Ces boules fragiles résultent de la transformation du capitule de fleurs en un capitule sphérique de fruits. Chaque fruit sec, nommé akène (ak), est composé d'une base contenant la graine prolongée en un long bec portant les soies étalées en parachute. C'est la transformation du calice qui donne ce parachute. Lorsque le temps est sec, les soies sont étalées et attendent le moindre souffle d'air pour se détacher et s'envoler. C'est ainsi que sont semées les graines du pissenlit, une dispersion parfaitement adaptée aux pelouses, habitat préféré de cette espèce.

E. PENSA