Une heure dans la friche : début avril

L'objectif de cette série d'articles est de découvrir au fil des mois ce qui se passe dans un même milieu naturel, ici une simple friche. De l'observation découlera une interprétation plus ou moins approfondie comme est amené à le faire l'éducateur en environnement avec son groupe. Le temps d'observation imposé est d'une heure et la parcelle choisie se situe sur la face sud de la chaîne des Costes près de Pélissanne (13).

Premiers pas

Cloporte
Cloporte

Ma première visite de la friche se fait par un ciel voilé. La friche est silencieuse, mais la proximité de garrigues et de pinèdes permet d'entendre les Pics verts, la Mésange charbonnière, la Fauvette mélanocéphale, le Pouillot véloce et les Rougesgorges.
Le décor est constitué de mélanges de tiges sèches de l'été dernier sous lesquelles poussent des herbes fraîches ne dépassant pas 30 cm. Au milieu de cette pelouse, parsemée, se trouvent des orchidées en fleurs, les Barlies de Robert.

Jeune sauterelle
Jeune sauterelle

Difficile d'y voir grand-chose, en marchant, il ne se passe rien à part des projections vers l'avant de tiges cassées.
La première rencontre est celle avec un cuirassier gris, le cloporte sur un petit monticule de terre, il sera le seul de mon safari.
En regardant de plus près, à croupis dans l'herbe, les choses se précisent, quelques insectes sauteurs se font remarquer.

Abeille solitaire
Abeille solitaire

Je profite de mon appareil photo, véritable "longue-vue à insecte" pour me rapprocher du petit insecte en faisant le point. Il m'observe sur son herbe, une paire de pattes soulevée, immobile. Les antennes plus longues que le corps indiquent qu'il s'agit d'une jeune sauterelle. Née depuis peu, elle profite de l'herbe tendre pour se nourrir dans cette pelouse. Les jeunes sauterelles sont nombreuses, j'en trouverai à plusieurs reprises.

Jeune thomise chargé
Jeune thomise chargé

La troisième trouvaille est une jeune abeille solitaire, une espèce dont j'avais remarqué la sortie de terre quelques jours avant. Elle se repose au bout d'une herbe, non loin d'un capitule de Ptérothèque de Nîmes. Son corps portant de nombreux grains de pollen jaune m'indique qu'elle a dû visiter la fleur.

Je sens que mon heure risque d'être pauvre en découvertes, sur les tiges, même les escargots sont rares. Je décide alors d'aller prendre en photo une Barlie de Robert. J'approche sans précaution de la grappe florale et soudain je détecte un mouvement sur un des pétales. C'est une araignée-crabe à l'abdomen corné qui, lorsqu'il s'agit d'une femelle pleine, me fait penser à un bonbon berlingot. Je m'approche en douceur, l'œil derrière l'objectif, elle m'observe aussi. C'est un Thomise chargé (Thomisus onustus), elle ne mesure que 3-4 mm. Elle attend sur la fleur, mais il y a visiblement peu de passage.

Tout heureux de ma trouvaille, je repars dans mes recherches et trouve un petit papillon noir, inconnu. Je continue au hasard et je prends en photo une euphorbe et là encore, je remarque un mouvement sous l'inflorescence, une nouvelle araignée-crabe, le thomise globuleux (Synaema globosum). J'en trouverai une seconde sur une Ptérothèque un peu plus tard, une abeille entre ses crochets.

Thomise globuleux
Thomise globuleux

L'attaque

Le peu d'activité animale me fait partir à la limite de la friche, près du début d'une cistaie où les rochers ont vu leurs interstices percés par une grande fourmilière très remuante. Je contourne le gros tas de terre pour me mettre sur le rocher, côté opposé au soleil. Je prends appui et je m'approche lentement comme à mon habitude.
Rapidement, je réalise mon erreur, mon treillis est parcouru par des centaines de fourmis et mon bras se fait piquer, je déguerpis en vitesse ! Après m'être débarrassé de mes dernières guerrières, la main parfumée à l'acide formique, je décide de retourner tirer le portrait de mes agresseurs, mais cette fois-ci, avec beaucoup plus de précautions. Le cliché pris, je repars.

Fourmilière
Fourmilière

Sur mon chemin, je bouscule une rosette de feuilles de Barlie et le choc fait surgir une araignée vert clair à l'abdomen orné d'une bande plus foncée. Elle reste sur le sol à côté. Je m'approche et je découvre Micrommata ligurinum.

Micrommata ligurinum
Micrommata ligurinum

L'heure tourne

Mon élan m'a fait dépasser l'heure, allez une petite dernière au pied d'un Ciste : une araignée-loup de 2-3 mm.

Comment peuvent vivre tous ces êtres parmi cette jungle de feuilles, de l'observation de ce jour, on peut déduire les choses suivantes.

La première source de nourriture est constituée par les herbes nouvelles, et les fleurs (Ptérothèque et Barlie de Robert)
Les jeunes sauterelles se nourrissent aussi bien des feuilles que des fleurs alors que les abeilles sauvages se limitent aux fleurs. Chaque jour, de nouvelles naissances viennent augmenter la population de sauterelles et d'abeilles. Les nombreuses araignées vont s'en nourrir en restant près de la source de nourriture, postées dans une fleur ou sur une feuille.

Je suis arrivé au bout de mon temps, au mois prochain, dans la friche.

E. PENSA