Parc National de Karijini - Australie 2023 ©Théo Pensa

Première partie : L’évolution cosmique (évolution nucléaire et évolution chimique)

C’est l’été. Dans ce charmant coin de campagne, la nature est luxuriante: un champ d’herbes folles, dorées par la chaleur, une petite rivière qui caracole entre les galets, quelques arbres aux fruits gorgés de soleil, d’innombrables insectes qui bourdonnent et s’affairent d’une plante à l’autre

Cette nature, livrée à elle-même, est harmonieuse et semble inaltérable. En sciences, on dit qu’elle constitue un écosystème en équilibre. La succession des jours et des nuits, de l’été et de l’hiver, des années et des siècles, ne paraît pouvoir ébranler cet ordre magnifique, cet agencement subtil et exquis: depuis des millions d’années, les Abeilles butinent des fleurs, permettant leur fécondation grâce au pollen qu’elles transportent, puis ces fleurs se transforment en fruits dans lesquels se forment des graines, qui permettront la perpétuation des espèces végétales à fleurs…

Bien sûr, cet environnement n’a pas toujours existé, loin s’en faut. Notre petite rivière, simple filet d’eau coulant d’une montagne, ne peut qu’être temporaire, surtout sur une échelle de temps mesurée en siècles ou en millénaires… Plus marquant, les plantes à fleurs ne sont apparues sur la Terre qu’il y a 140 millions d’années… à peu près en même temps que les Abeilles! Il faut donc imaginer les premiers Dinosaures, il y a quelque 250 millions d’années, dans un monde sans herbe – car l’herbe, ou plutôt les herbes, sont des plantes à fleurs! – et sans Abeilles!

Cet environnement pastoral si pittoresque est donc le fruit d’une longue, très longue histoire, résultat d’un processus lent et complexe: l’évolution: évolution physico-chimique, évolution géologique et, surtout, évolution biologique.

L’évolution cosmique : évolution nucléaire, évolution chimique, évolution biologique.

L'univers monte lentement les marches de la complexité: la physique nucléaire nous permet de comprendre l'évolution des particules et des atomes; la radioastronomie et la physico-chimie permettent de retracer les grandes étapes de l'évolution chimique; la biologie décrit l'évolution au sens darwinien (l’évolution des êtres vivants), qui mène des Bactéries à l'apparition de l'intelligence humaine…

C’est sans doute Hubert Reeves qui a le mieux décrit cette évolution cosmique dans son magnifique livre: «Patience dans l’azur». Résumons-en les grandes étapes.

L’évolution nucléaire

La phase cosmique

La théorie du «big bang» nous apprend que l’Univers serait né d’une gigantesque «explosion», il y a quelque 13,7 milliards d’années, à l’origine tout à la fois de la matière, de l’espace et du temps. La température dépasse alors totalement l’entendement: mille milliards de degrés; la seule matière qui peut alors exister est constituée de particules infinitésimales, les plus petites connues, appelées quarks (taille inférieure à un milliardième de milliardième de mètre).

A la première seconde, la température de l'Univers a baissé aux environs d’un milliard de degrés: les quarks s’associent alors par trois pour former de nouvelles particules, toujours infiniment petites mais déjà mille fois plus grosses: les protons et les neutrons (un millionième de milliardième de mètre). L’Univers est alors une purée («plasma») composée de protons et de neutrons, mais aussi d’électrons (à l’origine de l’électricité), photons (particules de lumière) et neutrinos (particules «fantômes», sans masse). Puis, les premiers noyaux atomiques apparaissent: ce sont des noyaux d’hélium, composés d’un proton et d’un neutron. Puis cette évolution nucléaire connaît un temps d’arrêt d’un million d’années, car la température est trop élevée pour permettre de nouvelles associations de particules: c’est une première crise de la croissance de la complexité; il y en aura bien d’autres…

Au bout de ce million d’années, la température a continué à baisser, grâce à l’expansion de l’Univers: elle n’est alors plus que de quelques milliers de degrés, ce qui est suffisant pour qu’un proton et un électron s’associent de façon stable: les premiers atomes d’hydrogène apparaissent ainsi, ainsi que des atomes d’hélium (un proton, un neutron et un électron). De plus, deux atomes d’hydrogène peuvent se combiner et former les premières molécules de l’Univers: le dihydrogène. L’Univers est alors essentiellement constitué d’hydrogène et d’hélium…

La phase stellaire

Commence alors une nouvelle phase, qui va permettre la reprise de la croissance de la complexité: d’immenses masses de matière vont se condenser sous l’effet de la gravitation universelle et mener à la formation des étoiles et des galaxies. En quoi cette étape est-elle importante? Tout simplement parce que, au cœur des étoiles, de nouveaux atomes vont pouvoir se former: trois atomes d’hélium s’associent et donnent ainsi naissance au carbone, d’une importance considérable pour l’évolution chimique et l’évolution biologique; puis un atome d’hélium s’associe à un atome de carbone pour former un atome d’oxygène; deux atomes d’oxygène s’associent pour former le dioxygène. Par associations successives apparaissent ainsi le néon, le sodium, le magnésium, l’aluminium, le silicium, etc., etc., jusqu’aux atomes les plus lourds.

Parc National de Karijini - Australie 2023 ©Théo Pensa

A la fin de sa vie, l’étoile finit par exploser et libère en quelque sorte tous ces atomes dans l’espace interstellaire… Les noyaux lourds se retrouvent ainsi dans le froid de l’espace et peuvent tenter de nouvelles associations, en relation avec leurs propriétés physico-chimiques: l’oxygène, par exemple, s’associe avec des métaux, formant les premiers oxydes…

La phase interstellaire

Ces oxydes constituent des particules solides minuscules (de l’ordre du millième de millimètre), formant des poussières interstellaires. Dans le froid de l’espace, de nouvelles petites molécules s’assemblent: eau (hydrogène et oxygène), ammoniac (hydrogène et azote), méthane et autres hydrocarbures variés (hydrogène et carbone); ces molécules hydrogénées se déposent sur les grains de poussière en une mince pellicule glacée…

Dans l’espace, ces diverses molécules sont sans cesse bombardées par les rayons cosmiques: elles sont alors brisées en morceaux qui se recombinent au hasard, formant de nouvelles petites molécules de plus en plus variées, dont plus d’une centaine a pu être identifiée, ce qui paraît incroyable par rapport aux conditions particulièrement défavorables dans lesquelles elles se sont formées… Notons toutefois que toute cette panoplie moléculaire constitue encore la matière inanimée: une molécule, si complexe soit-elle, n’est pas vivante…

La phase planétaire
  • La formation des planètes

Autour des étoiles en formation, d’énormes nuages de poussières et de gaz interstellaires commencent à se condenser, toujours sous l’effet de la gravitation universelle: les poussières s’agglutinent les unes aux autres, et se forment ainsi des petits corps qui eux-mêmes s’agglomèrent, constituant des astéroïdes qui s’attirent, se percutent, s’absorbent. Ainsi naissent des embryons de planètes (planétoïdes) qui finiront par former des planètes. Certaines planètes sont dites telluriques (constituées de roches, comme la Terre, Mars, Mercure et Vénus); d’autres sont des «géantes gazeuses», comme Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune.

  • La Terre
Parc National de Karijini - Australie 2023 ©Théo Pensa
Parc National de Karijini - Australie 2023 ©Théo Pensa

La Terre est ainsi née il y a environ 4,56 milliards d’années. A cause de l’énergie considérable libérée par les innombrables impacts météoritiques, la jeune planète reste une énorme boule de lave (roches en fusion) pendant plusieurs centaines de millions d’années. Puis, sa température s’abaissant progressivement, les roches les plus en surface se refroidissent, durcissent, d’où l’apparition d’une «écorce», la croûte terrestre, qui constitue les premiers continents. Le refroidissement des roches libère de grandes quantités de gaz, dont de la vapeur d’eau, qui se condense, formant d’immenses nuages à l’origine de pluies diluviennes pendant des millions d’années: les mers et océans primitifs sont ainsi nés. Une partie de l’eau terrestre proviendrait également des comètes qui ont percuté la Terre… Mais il faut savoir que l’eau liquide est plus rare dans l’Univers que l’or sur la Terre; or, il semble que cette eau liquide soit indispensable à l’apparition de… la vie! Notons en effet que, tout au long de notre longue histoire, aucun être vivant n’est encore apparu…

Article écrit par David EspessetChercheur indépendant en philosophie des sciences, épistémologie et évolution non darwinienne.