Incendie de Vitrolles, trois mois après

Trois mois après l'incendie qui a ravagé 2700 hectares de nature dans une zone particulièrement riche, il était temps pour moi de me rendre à nouveau sur les lieux. Ma première visite post-incendie avait fait l'objet d'un précédent article, voici un petit bilan instantané de l'état de la nature sur une colline près de Vitrolles.

Un professionnel responsable

1 cigarette = 2700 hectares
1 cigarette
= 2700 hectares

Avant de commencer, les dernières infos sur l'origine de l'incendie confirment que le départ provient d'une cigarette jetée sur un chantier non sécurisé contre le feu. Une cigarette, 2700 hectares, il y a des gestes lourds de conséquences et il est écœurant de constater une fois de plus, après Sainte-Victoire, le Massif de l'Étoile et les Calanques qu'un incendie a été provoqué par un professionnel pendant ses heures de travail. La prévention auprès du public devrait, selon moi, s'orienter davantage vers les entreprises plutôt que de cibler exclusivement de grand public.

Nouvelles impressions

Depuis le mois d'août, les températures ont baissé, mais il n'a pas énormément plu, aussi je retourne sur la zone brûlée, avec peu d'espoir d'autant que les paysages que je croise régulièrement sur ma route ne m'ont pas rassuré sur une quelconque reprise de végétation. Afin de conserver une luminosité proche de la première série de photos, je me rends sur les lieux à peu près à la même heure, sauf que le passage à l'heure d'hiver et la saison ont bien raccourci les jours.

Trois mois après, les  premières repousses
Trois mois après, les premières repousses

Après 40 min de route me voici sur place. En descendant de ma voiture, j'ai une agréable surprise, sur le plateau du vert est revenu grâce à de nouvelles pousses et des reprises de quelques rares espèces.

Discrètes touches de vert dans les paysages

Trois mois après : les cendres ont disparu et un peu de verdure réapparait
Trois mois après : les cendres ont disparu et un peu de verdure réapparait

Je décide de retourner aux mêmes endroits où j'avais pris les premières photos pour pouvoir comparer. D'emblée la première impression est que la cendre a été lessivée, les paysages semblent avoir repris du contraste. La désolation est toujours là avec ses milliers de végétaux brûlés, ce monde minéral d'où semble émerger des arbres fantômes entièrement calcinés. Malgré tout, je ressens une sorte de soulagement et de l'admiration en voyant au pied de nombreux buissons de nouvelles tiges feuillées émerger. Ces premières touches de vert sont encore peu visibles à l'échelle des paysages, mais leur présence après seulement trois mois est rassurante.

Descente dans le vallon, la douche froide

Ravinement
Ravinement

Après un incendie, la survie des plantes va dépendre non seulement de l'intensité de celui-ci, mais également d'autres facteurs tels que leur système racinaire et l'épaisseur du sol. Si, sur le plateau, la reprise était encourageante, en descendant le vallon, le constat est beaucoup plus mitigé. Les racines des plantes mortes ne retenant plus le sol, je découvre des endroits ravinés, y compris sur le chemin. Une grande partie du sol a disparu, ce qui va freiner aussi bien une hypothétique reprise que l'installation de nouveaux végétaux. Dès que l'on retrouve l'horizontalité, c'est déjà mieux. Les arbres comme les chênes pubescents ont de nouvelles pousses sortant du sol de même que certains peupliers présents près d'un ravin.

Pins et chênes morts
Pins et chênes morts

En poursuivant la descente je découvre malheureusement de nombreux pins d'Alep morts aussi bien des individus d'une dizaine d'années qui avaient réussi a s'installer à partir des graines de plus grands, mais hélas également les plus anciens. Il n'y a plus d'ensemenceur proche et il est difficile de croire au retour de cette espèce pionnière. De nombreux grands chênes sont également entièrement calcinés et leur écorce se décolle par lambeaux. C'est la désolation.

Faune ; le grand vide

Ayant guidé des groupes dans ce vallon avant l'incendie, je peux faire aisément la comparaison. Là où écureuils, mulots, mésanges, fauvettes, renard ou sangliers laissaient de nombreux indices ou faisaient entendre leurs chants, c'est aujourd'hui le grand vide. Les seuls visiteurs de la zone semblent être les lapins et les sangliers, plus aucun oiseau autre que les tourterelles. Au-delà des dégâts considérables sur la flore, la faune est visiblement encore plus touchée.

Conclusion trois mois après.

Les quatre reprises
Les quatre reprises

Des paysages lunaires avec quelques repousses sur les zones horizontales, une érosion qui emporte le sol dans les vallons et une faune profondément meurtrie. On devine qu'une végétation basse (garrigue) va se réinstaller ou remplacer l'ancienne forêt.

Trois mois après, ce sont les chênes kermès, les Daphné Garou et les filaires à feuilles étroites qui donnent des signes encourageants de reprise offrant de nouvelles touches de vert dans les paysages. Les seuls arbres ayant des rejets sont quelques rares chênes blancs et des peupliers.

Il a suffi d'un jet de cigarette pour provoquer ce cataclysme qui a bouleversé cette immense nature. On retrouvera ces paysages dans trois mois.

E. PENSA