La Magicienne dentelée (Saga pedo)

Les insectes, aussi gros soient-ils, ne sont pas toujours faciles à observer. Certains vivent dans des milieux particuliers et n'y sont présents que lorsqu'ils ont atteint le stade adulte, à une certaine période de l'année, d'autres sont si peu nombreux que c'est la chance qui déclenche leur rencontre. La Saga pedo serait plutôt le second cas.

Cinq rencontres en quarante années

Quand je vous dis que trouver la Magicienne dentelée est une chance, imaginez un insecte que vous n'aurez trouvé au cours d'une vie moins d'une dizaine de fois. Bien sûr je ne vous parle pas de retourner chaque année à l'endroit où s'est faite la première découverte, mais de la trouver ailleurs chaque fois. Mon expérience m'a offert cinq de ces moments en une quarantaine d'années.

La magicienne dentelée
La Magicienne dentelée et ses pattes dentées

Tous le monde l'a vue, oui, mais ..

Lorsque je montre à des groupes la photo de la Saga pedo, j'ai toujours quelques personnes qui me disent l'avoir croisée à plusieurs reprise. Un corps vert, de longues antennes, il est facile de la confondre avec au moins deux autres sauterelles.

Reconnaitre la Magicienne dentelée

La magicienne dentelée et son oviscapte
La Magicienne dentelée et son oviscapte

Pour être certain de bien se trouver face à cet insecte, il faut vérifier plusieurs points? Tout d'abord, la sauterelle doit avoir un corps allongé. Ensuite, le plus important est la présence de dents pointues sur la partie interne des pattes antérieures qui servent à capturer les proies. Ensuite, si l'insecte est grand, il doit avoir une longue pointe (oviscapte) dépassant de l'abdomen. Attention, ce dernier caractère est absent chez les jeunes sauterelles. Enfin à ceci s'ajoute une tête à la forme très particulière et un comportement lorsqu'on la touche qui se rapproche de celui d'un phasme.

Saga pedo immature mesurant quelques centimètres
Saga pedo immature mesurant quelques centimètres

Voici pour ce que l'on voit, passons à ce que l'insecte n'a pas : des ailes, ce qui permet d'éliminer la plupart de ses imitations

Les deux sauterelles qui lui ressemblent

Il m'est arrivé à de nombreuses reprises de penser être face à la perle rare, de prendre une photo et de constater que l'animal n'était pas le bon. À chaque fois il s'agissait de deux autres espèces.

La plus courante est la Grande Sauterelle verte (Tettigonia viridissima) qui mesure jusqu'à 50 mm et dont les femelles ont un long oviscapte droit. Le Conocéphale gracieux (Ruspolia nitidula) est sans doute le plus ressemblant en raison de la forme de sa tête. Les femelles ont également un oviscapte long et droit. La longueur du corps avec l'oviscapte avoisine les 40 mm.

Pour ces deux "immitations", un caractère permet à lui seul de les distinguer de la Saga pedo, les ailes bien développées.

Premières impressions d'une Saga

Si vous croisez un jour la Saga pedo, ou Magicienne dentelée, votre première impression sera sans doute d'avoir trouvé un phasme géant ou un monstre effrayant. Cet insecte méditerranéen pouvant atteindre 11 cm (avec l'oviscapte) est le plus grand de France et se rencontre dans les pelouses et garrigues çà et là où il se nourrit la nuit de sauterelles, criquets, cigales .etc.

Magicienne !

Quel drôle de nom trouvé pour cet insecte, aussi appelé dans le sud langouste de Provence. Si la seconde appellation vient clairement de la forme de son corps la première, plus mystérieuse vient de la posture de défense, pattes avant écartées bougeant lentement comme un jeteur de sort adopté par l'insecte.

Les deux espèces ressemblant à la Magicienne dentelée.. les deux ont des ailes.
Les deux espèces ressemblant à la Magicienne dentelée. Les deux ont des ailes.

Magicienne encore : des bébés sans mâle !

Outre sa posture d'intimidation, la Magicienne dentelée se distingue par sa reproduction, sans mâle ! Oui, il n'y a pas d'erreur de frappe, on ne trouve en France que des femelles. Celles-ci pondent des œufs non fécondés qui se développent quand même pour donner de nouveaux insectes. Cette reproduction singulière que pratiquent aussi les pucerons s'appelle parthénogenèse.

Si elle a l'avantage de permettre à l'insecte de se maintenir sans mâle, ce type de reproduction sans possibilité de croisement met l'espèce en danger, car les jeunes sont la copie conforme de la mère et, si par malheur, un facteur extérieur (changement climatique, virus, bactérie) venait à faire mourir l'un d'eux, ce serait l'ensemble des individus qui risquerait de disparaitre.

Si vous la rencontrez, faites-le savoir.

Ma dernière rencontre avec l'animal date de 2013 et croyez-moi, sans la chercher j'ai depuis a de très nombreuses reprises fait des photos sur le même site sans jamais en croiser une autre. Si vous la rencontrez n'hésitez pas à la prendre en photo et faites confirmer votre identification sur le site Insecte.org. Vos photos et leurs localisations seront ainsi ajoutées à la base de données, ce qui permettra d'en apprendre davantage sur sa présente en France. Si vous voulez que je m'en occupe, vous pouvez m'envoyer les photos par mail à contact@animateur-nature.com, je me chargerais du reste. Pensez à bien prendre les détails importants comme les pointes sur les pattes. Si on rencontre 10 fois l'animal dans une vie, seules les données de nombreuses personnes pourront faire avancer son étude.

Dernier détail d'importance, l'animal fait partie des insectes protégés en France, c'est d'ailleurs le seul orthoptère dans ce cas. Il est donc interdit de le déplacer. Il est également inscrit sur la Liste rouge mondiale des espèces menacées avec le statut "vulnérable".

E. PENSA