La mante religieuse : portrait d'une cannibale

Posée dans le feuillage, elle est immobile, à l'affut. Son cou étroit et plissé porte une tête triangulaire qui semble bouger ce qui ressemble à ses iris, petits points noirs sur des yeux énormes. Que chasse-t-elle ? À peu près tout, y compris sa propre espèce, voici le plus grand carnivore des herbes, la Mante religieuse.

Cinq mois plus tôt : les naissances discrètes

Oothèques encore fermées
Oothèques encore fermées

C'est à partir de fin mai, alors que les herbes commencent à grouiller de milliers d'insectes miniatures que vont faire leur entrée dans les chaînes alimentaires les jeunes mantes.

C'est d'un drôle de cocon ovale collé sur une pierre, un arbre mort ou tout autre support inerte que la naissance a lieu.
De ces oothèques (nom du cocon) sortent une centaine de minuscules insectes en poussant la fine membrane qui ferme le sommet de leurs alvéoles.

Sortie de l'oothèque
Sortie de l'oothèque

Mantes dès le début ou presque.

Contrairement à beaucoup d'insectes, les mantes ne passent pas auparavant par un long stade larvaire dont l'allure est très différente de celle des adultes .

Lorsque la petite mante sort de l'oothèque, elle est bien une larve, mais pas pour longtemps. Ce premier stade de sa vie lui semble lui servir uniquement à réussir sa sortie sans risque de se casser une patte. Immédiatement, après avoir pointé hors du cocon, elle change déjà de peau et apparait alors tout l'équipement nécessaire pour partir à la chasse. Les jeunes mantes ressemblent beaucoup aux adultes avec leurs pattes avant munies de pointes tranchantes et leurs mandibules redoutables pour les autres animaux de leurs tailles.

Mante venant de naître
Mante venant de naître

Le sort cruel des retardataires

Les mantes ne sortent pas toutes en même temps de l'oothèque ; elles le font par groupes successifs qui peuvent être espacés de plusieurs jours. Dans une même "promotion", mieux vaut sortir en premier, car les derniers ou ceux qui ont du mal à se transformer peuvent être la proie de leurs ainés qui n'hésitent pas à les dévorer. Ainsi le premier repas d'une mante peut être son propre frère !

Les dangers du jeune âge

Lorsqu'on place une mante religieuse dans une chaîne alimentaire, on a du mal à lui trouver un prédateur sérieux tant l'insecte est imposant et vorace. Pourtant, sur la centaine de mantes que donne chaque oothèque, on retrouve, au final, que très peu d'adultes en été.

La population de mantes est en fait régulée avant et peu après la naissance. Des guêpes parasites peuvent pondre dans les alvéoles et les œufs de mantes sont dévorés par leurs larves, des fourmis peuvent exterminer presque toute une nichée sans compter le passage d'un carabe, la dent des lézards et tous les autres prédateurs.

Cinq mois plus tard

Mante religieuse adulte
Mante religieuse adulte

Incroyable croissance, des quelques millimètres du mois de mai, on retrouve en septembre un insecte dont la taille dépasse 10 cm, mais qui à gardé la même forme, les ailes en plus.

Les armes du chasseur

La patience est la première arme de la mante. C'est dans les herbes ou près des fleurs qu'elle reste postée, immobile, pendant de longues minutes. Cette stratégie est complétée par une arme d'une efficacité redoutable : sa paire de pattes avant. Lorsqu'une proie s'approche, l'insecte bouge à peine, ce sont ses pattes antérieures qui font le reste. En une fraction de seconde, ses pattes repliées vers la tête se déploient sur la proie puis se replient pour la ramener vers elle. L'insecte surpris reste prisonnier des pointes acérées que portent ses pattes comme de puissantes mâchoires.

L'animal capturé n'aura aucune chance. À peine son corps se rapproche-t-il de la carnassière que celle-ci lui dévore la tête avec ses mandibules aiguisées, sa troisième arme.

La Mante à un énorme appétit, surtout la femelle qui n'hésite pas à chasser des insectes de sa taille y compris de sa propre espèce.

Reconnaissance des sexes : la ligne et les antennes

Chez les Mantes religieuses, la reconnaissance des sexes est relativement facile. Les mâles, frêles, s'envolent rapidement alors que les femelles, plus lourdes, utilisent rarement leurs ailes sauf pour une posture de défense (rare). Si les insectes sont posés, les antennes, très longues du mâle, sont l'autre détail déterminant. Celles des femelles sont plus courtes.

Mantes religieuses : mâle à gauche et femelle à droite
Mantes religieuses : mâle à gauche et femelle à droite

Idée fausse sur un sacrifice obligatoire.

C'est J-H Fabre (1823-1915) qui décrit, suite à ses observations en captivité, comme obligatoire, le sacrifice du mâle. Ceci s'expliquant par une perte d'inhibition sexuelle provoquée par la décapitation permettant la fécondation de la femelle. Les observations dans la nature et en captivité ont révélé que cette affirmation était fausse. Dans leur milieu naturel, il arrive souvent que le couple se sépare sans que le repas final ait lieu ce qui n’empêche nullement la fécondation.

E. PENSA