Les colchiques

Impossible de démarrer un article sur les colchiques sans faire immédiatement référence à la ritournelle "Colchiques dans les prés" (dont le titre initial est Automne).

Colchiques dans les prés
Fleurissent, fleurissent
Colchiques dans les prés
C'est la fin de l'été

Paroles : Jacqueline Debatte Poétesse française 1914-2004
Musique : Francine Cockenpot Artiste 1918-2001

Présentation

C'est donc à la fin de l'été que vous rencontrerez la plupart des colchiques en fleur, qu'il ne faut pas confondre (c'est un des intérêts de la chanson) avec les Crocus qui fleurissent en fin d'hiver.

Description

Nous commencerons cet article en parlant du Colchique au sens large (ssl.), sans en préciser l'espèce. Puis nous aborderons, vers la fin, les espèces présentes en France métropolitaine.

Colchique


Famille décomposée

Il fut un temps où lorsqu'on trouvait une plante sauvage aux fleurs à 6 divisions colorées, il était très facile de la ranger dans sa famille. Le choix devait alors se faire entre les familles des Lis (Liliacées), des Iris (Iridacées) ou des Narcisses (Amaryllidacées). De nombreuses espèces, dont les colchiques, se trouvaient alors rangées dans la vaste famille des Liliacées.

Les progrès de la botanique ont rapidement bouleversé les choses et la famille des Lis s'est retrouvée réduite au minimum en gardant seulement 6 genres, dont les Tulipes et les Lis. Les nombreux autres genres ont quitté les Liliacées pour de nouvelles familles après parfois quelques hésitations de spécialistes. Ainsi, les asperges sont ainsi devenues des Asparagacées, les Aphodèles des Xanthorrhoeacées et les Aulx sont partis chez les Amaryllidacées. Les Colchiques ont, depuis, leur propre famille, celle des Colchicacées et ils y ont été rejoint par le genre Streptopus.

À la recherche d'un colchique

Pour les besoins de cet article, j'ai fait ce que je déteste et ce que je vous déconseille vivement de faire, sacrifié une plante. Après avoir trouvé une petite station fleurie, j'ai récolté une plante entière en prélevant sa partie souterraine. Pourquoi l'avoir fait ? Vous le comprendrez dans la partie découverte de la fleur. Équipé d'un couteau, j'ai dû gratter la terre délicatement et en dégager les cailloux un par un pour arriver à en extraire ce qui ressemble à un bulbe, marron. Pas évident, tant le sol était peu accueillant.

Colchique entier
Colchique entier

Le cache-cache des fleurs et des feuilles.

La majorité des colchiques fleurissent en plein été ou en automne et ont la particularité de sortir leurs fleurs avant les feuilles, ont dit que ce sont des plantes hystéranthées. Les feuilles n'apparaissent que quelques mois plus tard, au début de l'hiver ou même au printemps pour les espèces de montagne. Entre-temps, la fleur disparait et le fruit reste invisible. On a donc une séparation nette entre les fleurs et les feuilles.

Quelque chose vous a échappé ? Allons voir ce qui se passe au cœur de la fleur, vous comprendrez mieux.

Au cœur de la fleur : la partie visible.

Je vous invite, à présent, à un voyage au cœur de la fleur de colchique en démarrant par la partie visible de la fleur.

Les parties externes (illustration 1)

La fleur de colchique possède 6 divisions étalées en étoile soudées à leur base en un long tube étroit. Comparée aux autres espèces que nous avons déjà observées, vous constaterez qu'il manque quelque chose ... les sépales. Habituellement, la fleur possède en effet deux enveloppes entourant son cœur ; la plus externe composée de sépales généralement verts et la seconde plus vivement colorée composée de pétales. Ici, l'originalité est que les sépales sont semblables aux pétales et on les appelle tépales.

Vous remarquerez qu'il existe 3 tépales plus grands (externes) entourant les 3 autres (internes).

Ouverture de la fleur en tirant un tépale interne. (illustrations 2 et 3)

Lorsqu'on tire un des tépales externes en le plaçant face à nous, on découvre le cœur de la fleur (Illustration 3) qui, sans surprise, est composé d'étamines et d'un pistil.

Regardons de plus près les étamines.

Les 6 étamines (illustration 4)

Les étamines ont deux particularités, elles sont attachées aux tépales et elles ont des tailles différentes suivant qu'elles soient sur les tépales externes (étamines courtes) ou internes (étamines longues). Cette dernière particularité n'est pas visible chez toutes les espèces.

Les 3 filets du pistil (illustration 5)

On termine la description de la fleur sur la partie la plus interne, le pistil. Celui-ci est composé de 3 stigmates au bout de leur filet respectif.

La partie cachée du pistil (illustration 6)

On pourrait s'attendre à trouver la base du pistil à la hauteur de celle des étamines, ce qui voudrait dire que le tube ne serait qu'un pédoncule floral. Il n'en est rien ! Pour trouver les ovaires, il va falloir entamer une longue descente dans le tube jusqu'à devoir s'enfoncer à l'intérieur de ce qui ressemble à un bulbe. Le tube est fin et fragile, la découverte de l'ovaire est un peu périlleuse, mais elle va nous révéler quelque chose d'inattendu : ce qui ressemblait jusqu'alors à un bulbe n'est en fait qu'une protection entourant dès sa base le pistil.

Le colchique n'a pas de bulbe, mais une tige souterraine gorgée de réserves qui est le corme. C'est lui qui protège le pistil et qui produira, plus tard, les feuilles.

Mais finissons-en avec le pistil. Celui-ci est composé, à sa base, de 3 éléments soudés : les carpelles. L'ensemble donne un ovaire à 3 loges fermées. Chaque carpelle est prolongé par un très long filet qui se termine en stigmate au-dessus des étamines.

En bref

La fleur de Colchique est composée de :

  • 6 tépales répartis sur deux cercles (3 internes et 3 externes) et soudés en un long tube
  • 6 étamines fixées à la base des 6 lobes. (3 longues et 3 courtes dans le cas de notre espèce)
  • Un pistil formé de 3 carpelles soudés situés sous terre, protégés par le corme et prolongés chacun par un long style terminé par un stigmate. Les 3 stigmates sont situés au-dessus des étamines. Celui-ci donnera un fruit qui est une capsule à trois loges.

Les rôles du corme.

Nous venons de voir l'ensemble de la fleur, mais il reste à expliquer comment le tube floral aussi fin et fragile arrive à traverser le sol asséché et caillouteux qui le surplombe pour s'y épanouir.

Le corme de colchique
Corme de Colchique

Pour réussir cet exploit, le corme va d'abord se caler à une bonne profondeur (variable selon l'espèce). Pour cela, des racines tractrices vont se développer pour tirer le corme vers le bas en même temps que ce dernier se déforme. Ce "réglage" demandant beaucoup d'énergie, il va souvent entrainer le report de la floraison d'une année le temps que le corme se refasse une petite santé et des réserves suffisantes.

Ancré à la bonne profondeur, il reste encore à percer le sol. C'est encore le corme qui s'en occupe en produisant des feuilles épaisses, les cataphylles, formant un tube qui va forer le sol. Le forage se fait pendant l'été, sans doute en profitant des rares pluies. Une fois le tunnel creusé, les cataphylles s'assèchent et il ne reste plus au corme qu'à préparer la fleur qui se développera et remontera ce passage lorsque les conditions extérieures (lumière) seront favorables.

L'émergence des fruits

Il reste un dernier mystère à éclaircir. Souvenez-vous que les 3 carpelles du pistil sont situés sous terre et ce sont eux qui, une fois fécondés, donneront la capsule. Un des rôles du fruit étant d'assurer ou de faciliter la dissémination de ses graines, difficile d'imaginer celle-ci coincée dans un corme souterrain.

Là encore, le Colchique a la solution ; après avoir grossi quelques mois à l'abri, la capsule va être poussée hors de terre au centre des feuilles par l'allongement de la zone située sous les pistils. Cette dernière joue le rôle d'un pédoncule floral d'abord très court puis s'étirant vers la surface en poussant avec lui le fruit situé au-dessus.

Capsule de Colchique d'automne (photo tirée de Sophy)
Capsule de Colchique d'automne (photo tirée de Sophy)
Les représentants de la famille des Colchicacées
Feuilles du Colchique d'automne
Feuilles
du Colchique d'automne

Depuis l'époque de la Flore de Coste, la famille des Colchicacées a subi quelques changements qui ont modifié le nom et réduit le nombre de certains représentants. Les Veratrum ont rejoint la famille des Mélanthiacées, les Tofieldia, celle des Tofieldiacées, les Bulbocodium et Merendera ont migré vers les Colchicum.

Le résultat de cette refonte familiale est qu'il ne reste que deux genres en France métropolitaine (Colchicum et Streptopus) ce qui simplifie les choses. Le Streptope à feuilles embrassantes (Streptopus amplexifolius) étant le seul représentant français de son genre, on le laissera de côté et nous détaillerons ici le genre Colchicum.
Dans ce genre, la Flore la plus récente (Flora Gallica) retient les 10 espèces suivantes :

Pour la France métropolitaine

  • Fleurissant au printemps :
    • le Bulbocode de printemps - Colchicum bulbocodium (ex Bulbocodium album); le seul Colchique qui fleurit au printemps en même temps que la sortie des feuilles.
  • Fleurissant en été ou en automne :
    • En altitude uniquement
      • le Colchique des Alpes - Colchicum alpinum; une espèce alpine aux fleurs dont le tube est de couleur verdâtre
      • le Colchique des Pyrénées - Colchicum montanum; une espèce montagnarde pyrénéenne.
    • Ailleurs
      • Le Colchique d'automne - Colchicum autumnale ; une espèce des prairies au tube floral blanchâtre,
      • le Colchique de Naples - Colchicum longifolium; une espèce essentiellement méditerranéenne aux styles dépassant plus ou moins nettement les étamines
      • le Mérendéra à feuilles filiformes - Colchicum filifolium; une espèce des pelouses du littoral des Bouches-du-Rhône aux feuilles apparaissant généralement en même temps que les fleurs.
    • Sans doute disparu
      • Le Colchique de Bertoloni - Colchicum cupanii; une espèce très rare (voire éteinte ?) protégée à l'échelle nationale et qui sort ses feuilles avant les fleurs.

Pour la Corse

  • En altitude uniquement
    • Le Colchique des Alpes - Colchicum alpinum ; une espèce d'altitude aux fleurs dont le tube est de couleur verdâtre
    • le Colchique minuscule - Colchicum nanum (ex C. alpinum subsp. parvulum); une espèce des montagnes Corse aux fleurs dont le tube est blanchâtre
  • Ailleurs
    • Le Colchique de Naples - Colchicum longifolium(ex C. neapolitanum); une espèce essentiellement méditerranéenne aux styles dépassant plus ou moins nettement les étamines
    • le Colchique de Corse - Colchicum corsicum; une espèce corse à fleurs rose pâle aux styles situés sous les étamines.
    • Colchicum arenasii; une espèce du littoral corse à fleurs rose vif aux styles situés sous ou légèrement au-dessous des étamines.

Colchique ou Crocus ?

Maintenant que vous savez que certains colchiques fleurissent au printemps, je n'ai plus qu'à ajouter que des Crocus s'autorisent à fleurir en automne pour semer la zizanie entre ces deux genres et rendre parfaitement inutile la jolie comptine de départ.

Allez, je ne vais pas vous laisser avec ce désordre, voici les 2 astuces pour différencier facilement les deux, en attendant un autre article sur le Crocus .

Astuces pour distinguer un crocus d'un colchique

  • Le Crocus n'a que 3 étamines / 6 étamines chez le Colchique ;
  • le Crocus a un pistil à un seul style et 3 stigmates plus ou moins découpés en lanières / 3 styles et 3 stigmates chez le colchique.
Crocus et Colchique</figcaption>
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Crocus et Colchique
E. PENSA