La Bruyère à fleurs nombreuses : l'originale

Les bruyères sont des buissons plus ou moins hauts, poussant généralement sur les sols non calcaires. On les retrouve logiquement en abondance dans les maquis du massif des Maures, dans l'Esterel ou encore en Corse. Évidemment il existe des espèces à part dont les exigences écologiques sont différentes, la Bruyère à fleurs nombreuses en fait partie !

Un buisson qui ne pousse pas n'importe où.

La Bruyère multiflore est une Méditerranéenne qui ne fuit pas le calcaire comme ses nombreuses cousines, mais elle ne va pas non plus pousser dans n’importe quelle garrigue. Pour s'installer, elle a besoin d'un sol meuble sur roches friables comme les marnes ou les argiles et certains calcaires. C'est là qu'elle enfoncera ses racines à la recherche d'eau. Cette particularité lui permet de survivre au passage d'un incendie et de sortir de nouvelles tiges du sol quelques mois plus tard.

La Bruyère à fleurs nombreuses un an après le passage d'un incendie (Vitrolles 13)
La Bruyère à fleurs nombreuses un an après le passage d'un incendie (Vitrolles 13)

Description

Les premières présentations étant faites avant de parler de ce qui distingue visuellement cette espèce des autres et d'entrer dans sa fleur, voici quelques précisions.

Taxonomie
Noms communs : Bruyère à fleurs nombreuses
Nom latin : Erica multiflora
Famille : Éricacées

Une belle floraison hivernale

C'est ce qui fait son intérêt lorsqu'on veut étudier la botanique en hiver. Cette espèce fleurit dès la fin de l'été jusqu'en décembre.

Les espèces de bruyères en France

Il existe en France 9 espèces de bruyères dont 6 poussent en plaine sur sol acide, 2 se trouvent en montagne et la dernière est, bien sûr, notre Bruyère à fleurs nombreuses. Voici le détail de ces espèces.

En plaine et sur sol siliceux
  • Bruyère à quatre angles Erica tetralix : landes et pâturages siliceux humides dans l'Ouest, le Nord et le Centre de la France et les Pyrénées
  • Bruyère ciliée Erica ciliaris : landes et sous-bois siliceux dans l'Ouest de la France principalement
  • Bruyère cendrée Erica cinerea : landes et sous-bois siliceux de l'ensemble de la France, rare dans l'Est.
  • Bruyère arborescente Erica arborea : sous-bois siliceux et maquis méditerranéens
  • Bruyère vagabonde Erica vagans : sous-bois siliceux et landes de l'Ouest de la France et la région Auvergne-Rhône-Alpes
  • Bruyère de l'ouest Erica erigena : présente en Gironde et menacée d'extinction.
En plaine sur sol non acide
  • Bruyère à fleurs nombreuses Erica multiflora : garrigues et sous-bois méditerranéens
En montagne
  • Bruyère carnée Erica carnea : sous-bois montagnards principalement sous les Pins sylvestres.
  • Bruyère de Corse Erica terminalis : ravin et lieux ombragés des montagnes de la Corse, sur silice.
La Bruyère à fleurs nombreuses porte bien son nom
La Bruyère à fleurs nombreuses porte bien son nom

Au cœur de la fleur

Partons maintenant à la découverte de la fleur de bruyère en nous approchant de près de celle-ci. Sans même utiliser de loupe deux particularités sont évidentes : les pétales sont soudés pour former une clochette et les étamines sont nettement saillantes.

Les parties externes (illustration 1)

À l'aide d'une loupe, on peut facilement voir les éléments suivants :

  • 5 ou 8 étamines (selon les fleurs) aux filets allongés
  • un style (pistil)
  • une corolle en cloche à 4 lobes (résultant donc de la soudure de 4 pétales)
  • 4 sépales libres
Ouverture de la fleur. (illustration 2)

Opération délicate à effectuer sous une loupe binoculaire, l'ouverture de la clochette dans le sens de sa hauteur va nous permettre de voir davantage de détails.

Commençons par les étamines.
Comme imaginé précédemment, chaque étamine à un très long filet. Celui-ci n'est pas attaché sur la paroi de la corolle, mais à la base de la fleur, indépendante des pétales. Située à l'extrémité du filet, l'anthère a la particularité d'avoir des sacs polliniques qui ne s'ouvrent pas, comme habituellement, par une déchirure longitudinale, mais par l'ouverture d'un pore a son sommet. En terme botanique on parle de déhiscence poricide (loculicide longitudinale pour le cas le plus répandu).

Un peu de place pour voir le pistil (illustration 3)

Pour découvrir le pistil, il va falloir enlever les étamines qui le cachent.

Ceci fait, on découvre un pistil assez classique avec, cependant, à sa base, un disque nectarifère (producteur de nectar pour attirer les pollinisateurs).
Le pistil est formé à sa base d'un ovaire à 4 lobes externes (4 loges à l'intérieur), suivi d'un long style unique terminé par un seul stigmate.

En bref

Comparons la fleur de Bruyère à celle de l'Arbousier qui appartient à la même famille.

On retrouve :

  • La corolle soudée en clochette,
  • un pistil posé sur un disque nectarifère avec un seul style et un unique stigmate,
  • des étamines libres fixées autour du disque nectarifère s’ouvrant par un pore.

Pour le reste, ce sont essentiellement le nombre et la forme de certaines pièces florales qui diffèrent, mais on retrouve nettement un air de famille.
Les Éricacées forment une famille assez homogène d'arbustes et buissons répartis dans les régions tempérées et sur les montagnes tropicales et extratropicales avec de nombreuses espèces dans l'Himalaya par exemple. Si l'arbousier possède des feuilles larges, alternes, la norme pour la famille est plutôt aux aiguilles en verticilles mieux adaptées à la sécheresse.


Les aiguilles disposées en verticilles de 4-6 de la Bruyère à fleurs nombreuses
Les aiguilles disposées en verticilles de 4-6 de la Bruyère à fleurs nombreuses

La callune, une belle imitation de bruyère

La Callune, une fausse bruyère
La Callune, une fausse bruyère

Terminons notre voyage en "terre de bruyère" en allant du côté des Maures rencontrer la "Bruyère commune" (un des noms qui lui a été attribué) ou plutôt la Callune, une plante appartenant à la famille des Éricacées dont l'allure générale est très proche de celle d'une bruyère... jusqu'à ce que l'on s'en approche.

Vue de près, on découvre deux grandes différences :

  • Les fleurs ne sont pas de vraies clochettes, car les pétales sont libres,
  • les feuilles ne sont pas des aiguilles, mais des écailles imbriquées par 4.

En conclusion, il faut toujours se méfier des noms donnés aux plantes qui, comme dans ce cas, peuvent semer la confusion. Néanmoins, cette belle imitation reste intéressante, car elle fleurit jusqu'en octobre.

E. PENSA