Tous aux abris ! Les animaux face à l'hiver

Novembre, avec ses jours plus courts, ses températures beaucoup plus fraîches et ses premières gelées, donne un coup brutal au paisible déroulement de la vie sauvage. En dehors des forêts méditerranéennes, les feuillus et même certains conifères amorcent la chute de leurs feuilles et pour les animaux la vie devient très dure. L'hiver passé, pourtant, de nouveau, les beaux jours voient se tisser les réseaux trophiques dans toute leur complexité. Mais où étaient donc ces animaux pendant l'hiver ? Voyons les principales stratégies adoptées.

Guêpier d'Europe
Guêpier d'Europe

La migration : partir pour mieux revenir

Efficace, mais nécessitant beaucoup d'énergie, la migration est "choisie" par certaines espèces pour retrouver de nouvelles conditions de vie favorables. Les déplacements peuvent se faire à l’intérieur d'un même territoire (passage du nord vers le sud) ou traverser mers et continents.

Le sud de l'Europe voit repartir ses populations de guêpiers dès la fin de l'été pour un périple de plusieurs milliers de kilomètres jusqu'en Afrique du Sud. D'autres espèces se déplacent moins loin, préférant passer l'hiver au sud de la France.

Les oiseaux ne sont pas les seuls migrateurs, des papillons comme la Belle-Dame (Vanessa cardui) vont eux aussi traverser la méditerranée pour l'Afrique du Nord.

Ponte de mante (oothèque)
Ponte de mante (oothèque)

Des naissances en attente

Argiope frelon et son cocon
Argiope frelon et son cocon

L’œuf est sans doute le meilleur endroit où passer l'hiver, les réserves de nourriture y sont incorporées et il suffit alors que le développement se fasse lentement pour que l'animal naisse au printemps. Les argiopes frelon tissent en octobre le cocon en forme d'outre qui protégera les œufs du froid. Les criquets introduisent leur abdomen dans le sol pour cacher des œufs enrobés dans une masse appelée oothèque. On retrouve cette protection chez les mantes religieuses qui collent ces cocons sous une écorce, une pierre ou tout autre abri. D'autres, mieux équipés, comme les sauterelles, vont utiliser leur long oviscapte pour déposer dans la profondeur du sol les œufs.

Le bois est également un excellent refuge utilisé par les femelles longicornes pour y cacher leurs œufs à la différence que ces derniers vont rapidement éclore et leur larve pourra se nourrir de bois pendant l'hiver.

Des abris pour patienter et survivre

Lorsque la naissance a eu lieu avant l'hiver, les insectes passeront la saison froide à différents stades de développement. Chez les papillons Piérides, c'est la chrysalide qui servira d'abri, soigneusement accrochée dans les zones les mieux exposées. D'autres comme les Citrons de Provence iront se réfugier dans le lierre des vieux arbres et passeront les frimas au stade papillon.

Tétras lyre
Tétras-lyre

Un grand nombre de larves vont aller s'enfouir dans le sol. Les jeunes cigales, après leur naissance dans le creux d'une écorce, vont descendre trouver en profondeur les racines nourricières où elles passeront plusieurs années.

Balanin et sa larve
Balanin et sa larve

Pour les larves de balanin, petit coléoptère foreur de glands, après avoir grandis en dévorant la graine d'un gland de Chêne, les asticots dodus perforent la paroi du fruit pour sortir, parfois pour une chute de plusieurs dizaines de mètres. Après un atterrissage plus ou moins réussi, les larves vont s'enfouir dans le sol pour construire un cocon de terre collée par leur salive, comme le font les jeunes cétoines, et passer l'hiver sous la forme d'une nymphe.

Si le sol est un excellent abri pour des invertébrés, il peut l'être également pour des animaux plus gros comme les serpents qui vont se retirer sous de grosses pierres ou les tortues dans le sol et la litière. Les marmottes font de même en bouchant leurs terriers avant d'entrer en hibernation.

Citron de Provence (1) et Belle-dame (2)
Citron de Provence (1) et Belle-dame (2)

Pour d'autres, restant actifs quelques heures de la journée, la neige fera l'affaire comme chez les tétras-lyres.

Hibernation ou hivernation ?

Deux mots très proches aux significations très différentes, mais dont l'objectif est le même. L'hibernation est une entrée en vie ralentie profonde durant laquelle l'animal n'a plus aucune activité et ne se nourrit plus. L'hivernation consiste à fuir une zone devenue hostile par ses basses températures pour se réfugier dans une zone moins dangereuse. La marmotte hiberne en dormant près de 6 mois dans son terrier alors que les guêpiers hivernent en Afrique du Sud.

De solides réserves pour ceux qui restent actifs

Rouge-gorge en hiver
Rouge-gorge en hiver

Même avec des températures très basses, un certain nombre d'animaux restent actifs durant l'hiver. C'est le cas des invertébrés de la litière qui, pour la plupart, vont profiter d'une nourriture abondante venue de la chute des feuilles. Pour les autres, la survie dépend de leur prise de poids que permet l'abondance de fruits sauvages en automne. Ceci s'accompagne, chez les mammifères et les oiseaux, de l'acquisition d'une épaisseur supplémentaire de duvet ou de poils offrant une meilleure isolation du froid.

Malgré tout cela, l'hiver reste une période très délicate à traverser qui entraîne inexorablement une augmentation de la mortalité.

Thaumetopoea pityocampa : l'exception qui confirme la règle

Dans la vie il y a toujours des personnes qui font les choses à l'envers des autres, dans la Nature c'est aussi le cas. Alors que la vigueur hivernale impose à certains une fuite vers d'autres zones ou une pause dans leur développement, quelques irréductibles insectes concentrent, au contraire, leur croissance dans la pire des saisons.

Nid de chenilles Processionnaires du pin
Nid de chenilles
Processionnaires du pin

C'est le cas des chenilles d'un papillon de nuit, grandes amatrices d'aiguilles de pin, appelées Thaumetopoea pityocampa ou plus communément processionnaires du pin. Pour rester actives l'hiver, elles ont deux atouts, un nid de soie épais qu'elles construisent en commun et un corps contenant au moins une substance jouant le rôle d'antigel leur permettant de se nourrir les nuits d'hiver. À la fin de l'hiver, les chenilles iront, ensemble et en procession, s'enfouir dans la terre pour se transformer dans un cocon en chrysalide brune et ainsi attendre deux ou trois étés avant de se transformer en papillon.

Novembre : la Nature s'engourdit

À quelques rares exceptions près, le mois de novembre est finalement la période durant laquelle les réseaux trophiques vont se disloquer, chacun ayant comme priorité vitale de survivre aux basses températures. Après la disparition des sauterelles, criquets ou mantes religieuses, la Nature se met en quelque sorte en pause pour mieux reprendre aux beaux jours.

Pendant que vous passerez vos nuits d'hiver au chaud sous une couette dans une chambre chauffée, pensez à la petite mésange sous une pluie battante accrochée à sa branche. Un peu de graisse et quelques graines ne lui seront pas inutiles pour lui donner quelques chances supplémentaires de survivre.

E. PENSA